Le point de vue de l’expert
Sébastien Maire, Délégué général de France Ville Durable, autour du rôle des commerces de proximité dans la transition écologique et la résilience des villes.
Quel est le rôle des commerces de proximité dans la transition écologique et la résilience des villes ?
Il est central ! Les commerces de proximité peuvent jouer un rôle dans chacun des 4 piliers [1] qui constituent désormais « la colonne vertébrale du développement urbain » en France : sobriété, résilience, inclusion, créativité.
L’impératif de sobriété tout d’abord, qui vise simplement à ce que nos activités humaines, économiques et commerciales soient compatibles avec les limites physiques de la Terre, en matière de consommation de ressources et d’énergie, de production de déchets, de pollutions et atteintes à l’environnement.
En somme, il s’agit de faire mieux avec moins ! L’intérêt de cette approche pour une entreprise est que la sobriété écologique rejoint très souvent la sobriété financière : les économies d’énergie et de fluides sont aussi des économies de charges, la réduction des déchets à la source (moins d’emballages, vrac, consigne, venir avec son contenant, produits d’occasion ou de seconde main, etc.) évite les coûts parfois importants de collecte et de traitement spécifiques, la mutualisation des livraisons des fournisseurs avec les commerces riverains est à la fois économique et écologique, l’utilisation de modes doux comme le vélo pour les livraisons aux clients coûte moins cher que celle de véhicules traditionnels, etc. Autant d’actions qui rendent la sobriété « désirable », tant pour les commerces que pour leurs clients, au service d’une nouvelle forme de qualité de vie à laquelle de plus en plus de citoyens – et de consommateurs- aspirent. Les initiatives en ce sens se multiplient sur le territoire et à toutes les échelles avec par exemple des boutiques sans déchets et des épiceries en vrac qui fleurissent partout, y compris dans des petites villes.
Les commerces de proximité ont également un rôle majeur à jouer dans la résilience des villes et territoires, c’est-à-dire dans la capacité à gérer les crises et assurer les besoins essentiels de la population, comme on l’a très bien vu pendant la crise sanitaire. Après l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans par exemple, c’est la réouverture prioritaire et rapide des commerces de proximité qui a été la première réassurance pour la population, qui a constitué le symbole du rebond, et du retour à la vie pour un territoire complètement sinistré. En cas de choc majeur ou de crise, pouvoir compter sur son commerçant « du coin » rassure, réduit les facteurs de risques et concourt à la préservation de la santé mentale des habitants. Les commerces peuvent aussi constituer des refuges lors de situations extrêmes, comme on l’a vu lors des attentats terroristes de 2015. Mais c’est également le cas au quotidien : ils connaissent les habitants du quartier, peuvent par exemple donner l’alerte quand une personne âgée n’est pas venue faire ses courses à l’heure habituelle, ils assurent de fait une veille sur les événements qui se passent dans la rue et jouent un rôle de relais des pouvoirs publics en cas de besoin. Les commerces de proximité sont à la fois indispensables pour assurer les besoins essentiels de la population, mais aussi pour maintenir le lien social, en cas de crise comme au quotidien.
Et c’est tout l’intérêt des commerces de proximité dans le domaine de l’inclusion.
Alors que le commerce en ligne explose aujourd’hui, après des décennies d’artificialisation de sols fertiles pour créer les zones commerciales géantes et impersonnelles à l’extérieur des villes, avec un bilan écologique dramatique, les commerces de proximité sont parmi les derniers lieux de contact humain, de mixité sociale, et de rencontre entre les habitants. Et les commerçants sont souvent solidaires : citons comme exemple les centaines d’entre eux qui participent à Paris au programme du « Carillon » et proposent de multiples services à des personnes sans domicile comme recharger son téléphone, aller aux toilettes, bénéficier du wifi, prendre un café « suspendu », etc… C’est aussi souvent dans son commerce de proximité qu’on trouve la petite-annonce pour trouver une garde d’enfants, des informations sur les événements associatifs ou culturels du quartier (etc), autant d’occasions de renforcer les liens et la cohésion. Les commerces d’un centre-ville ou d’un centre-bourg participent également de l’identité culturelle d’un territoire. De plus en plus, la valorisation des productions locales, les circuits courts, l’artisanat local deviennent des éléments d’attractivité et de rayonnement, en phase avec l’évolution du monde et la volonté des consommateurs.
Enfin, nombreux sont les commerces qui font preuve de créativité et d’innovation, pour répondre aux nouveaux usages, et aux enjeux écologiques et sociaux : mixité des fonctions et services, convivialité, nouvelles filières de valorisation de déchets (par exemple les huiles de friture des restaurants, ou le compost des restes de repas, etc.), citons encore les centaines d’exemples de création spontanée de plateformes de vente en ligne pour les commerces locaux pendant les confinements. Plusieurs exemples inspirants sont présentés dans la publication de France Ville Durable sur les « Rez-de-ville au service de la ville durable » [2].
La transition écologique et l’adaptation au monde difficile qui arrive est l’affaire de tous, et les commerces ont un rôle important à jouer !
[1] Manifeste pour des villes et des territoires durables
[2] Les Rez de ville, un enjeu de développement local sobre, résilient, inclusif et créatif. France Ville Durable. 2021
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