Le point de vue de l’expert
Article rédigé par Le Sens de la Ville, coopérative de stratégie urbaine, programmation et ingénierie de projets.
lesensdelaville.com
Le Sens de la Ville, coopérative de conseil en stratégie urbaine et programmatique a fait des rez-de-chaussée l’un de ses thèmes principaux de recherche et d’action : une année de recherches a été menée avec le Cycle d’Urbanisme de Sciences Po pour comprendre quels acteurs de la ville étaient en train de se positionner comme propriétaires de pieds d’immeuble pour les années à venir. Au même moment, Le Sens de la Ville a créé un blog pour partager des exemples de programmations intéressantes à rez-de-chaussée ; enfin, une analyse des réponses à des appels à projet urbains innovants a été menée pour comprendre une nouvelle génération de programmes qualifiés d’équipements privés d’intérêt collectif [1].
Ce travail au long cours a conduit Le Sens de la Ville à la création, avec Plateau urbain, d’une foncière solidaire de portage de rez-de-chaussée.
C’est au rez-de-ville que se joue une grande partie de la qualité d’un quartier, en termes d’intérêt architectural des rues, d’animation, de capacité d’un quartier à accueillir une micro-économie, de conserver ou faire revenir les artisans, d’accueillir des projets citoyens, des activités d’intérêt collectif, etc.
Et pourtant, le constat est connu et largement partagé : la vacance des rez-de-chaussée est en augmentation permanente : en augmentation de 1% par an depuis 2013, atteignant aujourd’hui 12,5% en moyenne dans les rez-de- chaussée des centres villes (9,3% à Paris, selon l’étude de l’Apur de mars 2018, fondée sur les données 2017). Le commerce de rue subit une double concurrence : celle des grandes surfaces et celle des entrepôts du commerce numérique. La pression foncière connaît une hausse constante que traduit notamment le doublement, en 15 ans, du taux d’effort locatif moyen des commerces (d’après les chiffres de l’Institut pour la Ville et le Commerce).
La pression foncière agit sur l’ensemble des occupants potentiels des rez-de-chaussée : commerçants mais aussi services et artisans. Les activités dites productives connaissent un mouvement centrifuge sans appel [2] les attirant inexorablement vers une périphérie de plus en plus loin des centres.
L’urbanisme transitoire et les occupations temporaires peuvent être une partie de la réponse. Ce n’est pas un hasard si ce mode de faire la ville est désormais acté (via une charte) à Paris, l’une des villes les plus chères au monde. Explorer ces interstices spatio-temporels, c’est aussi proposer un foncier peu cher et accessible, en cœur de ville, notamment pour des activités productives et/ou d’intérêt général.
C’est une réponse intéressante mais non suffisante, cette « bulle » offre par principe peu de visibilité temporelle à ses occupants. D’où l’idée de créer un parc de pieds d’immeuble pérenne à prix abordable. De la même façon que le logement social maintient (en principe) un droit au logement pour toutes les classes sociales, il s’agit ici de permettre un droit au rez-de-chaussée.
La Semaest pour la ville de Paris, l’EPARECA pour les quartiers prioritaires ont longtemps été les acteurs de références assez isolés de ce secteur. Depuis quelques temps, la puissance publique se saisit plus fermement de ce sujet des rez-de-chaussée abordables. De nombreuses foncières (para)publiques sont en effet en création (et de nombreuses autres en gestation) : foncières mises en place à Lyon (opération des Girondins), à Villeurbanne (quartier des Grattes Ciels), à Saint-Denis (pour son commerce de centre-ville) … pour n‘en citer que quelques-unes. Parmi les initiatives de la puissance publique au service de RDC abordables et qualitatifs, mentionnons aussi le GIE Paris Commerces comme acteur tout à fait inédit et essentiel pour les rez-de-chaussée parisiens. Chacun porte des enjeux différents et adaptés à son territoire : réanimation et diversification de centre-ville, maintien de l’activité artisanale, développement de l’économie sociale et solidaire, etc. Et le séisme du Covid semble accentuer encore la tendance, Bruno le Maire annonçant ainsi, le 29 juin dernier, la création de « Cent sociétés foncières (…) déployées partout en France ».
Cette multiplication des projets de foncières de pieds d’immeubles ne se limite pas aux seuls acteurs publics. Les grands groupes immobiliers se positionnent également sur ce créneau du portage des rez-de-chaussée, comprenant que ce volume de plain-pied avec l’espace public ne pouvait plus rester un impensé : les acteurs de l’immobilier sont donc en train de se doter des structures et outils nécessaires pour rassurer les collectivités quant au devenir des programmes de pied d’immeuble. [3]
La mesure de l’impact (social et environnemental notamment) des activités doit être au cœur du système : il serait en effet impossible de cantonner le choix des occupants, invités à occuper ce marché régulé des rez-de-chaussée abordables, à un indicateur unique comme celui du plafond de ressources des occupants.
Parce que le sujet est de taille, et qu’il mérite donc une diversité de réponses, nous avons, avec notre partenaire Plateau urbain, décidé de créer une foncière coopérative et solidaire de portage de rez-de-chaussée : Base Commune. Ce projet est la concrétisation d’une envie : celle de devenir un acteur pérenne et engagé des projets urbains que nous accompagnons aujourd’hui. En un mot, passer du “conseiller” au “faire”. Base commune est une offre d’ingénierie et de foncière solidaire de rez-de-chaussée, pour initier et porter des projets de rez-de-chaussée actifs, solidaires, vivants et pensés avec une communauté de quartier. Nous nous adressons à des occupants très variés : commerçants, artisans, associations, professions libérales (médecins, infirmiers notamment), culturelles … qui ont tous un impact social et/ou une utilité locale pour leur quartier.
[1] Vincent Josso & Nicolas Rio & Flore Trautmann, « Le privé au chevet de l’intérêt public ? Les programmes privés d’intérêt collectif dans les appels à projets urbains innovants », Métropolitiques, 15 octobre 2018. https://www.metropolitiques.eu/Le-prive-au-chevet-de-l-interet-public-Les-programmes-prives-d-interet.html
[2] Fanny Rahmouni et Flore Trautmann, « Activités « productives » en ville : une espèce en voie de régulation ? », Revue Sur Mesure, juillet 2019, http://www.revuesurmesure.fr/issues/nouveaux-visages-ville-active/activites-productives-en-ville-regulation
[3] Vincent Josso & Nicolas Rio & Flore Trautmann, Op. cité.
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